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Le bio… est-ce vraiment mieux ?

Avec la croissance du secteur bio, de plus en plus d’attaques arrivent du côté des lobbys industriels, déclarant que le bio « ne peut pas nourrir la planète » ou mettant en doute sa sûreté ou sa fiabilité. Les défenseurs de l’industrie, généralement issus de la génération après-guerre, glorifient les rétributions de l’agriculture intensive, de la modification génétique et de l’agrochimie. Pendant ce temps les hipsters du monde entier optent pour une alimentation bio et « cultiver ses aliments » est devenu une grande tendance. Quels sont les faits, que dit la science, et qu’est-ce qui  se cache derrière ce fossé des générations ?

La question centrale

La question principale que beaucoup de gens se posent est la suivante : « Et donc… le bio est-ce vraiment mieux ou pas ? ». Il y a beaucoup d’aspects dans cette question. On peut la considérer sous des points de vue scientifique, éthique ou plus pratiquement en tant qu’agriculteur, consommateur ou cuisinier. Dans cette foire aux questions, nous évoquerons un certain nombre de ces points de vue.

La plupart des grands chefs préfèrent travailler avec des produits bios

Du point de vue pratique

On constate que la plupart des grands chefs et des cuisiniers à la télé, comme Jamie Oliver, préfèrent travailler avec des produits bios. Les producteurs qui se convertissent à l’agriculture biologique expérimentent souvent une amélioration de leurs conditions de travail, surtout quand ils étaient habitués à utiliser beaucoup de produits agrochimiques. Il est rare de voir ces exploitants retourner à une approche agrochimique. Les gestionnaires de domaine et de parcs nationaux préfèrent également des exploitants agricoles biologiques. Et la plupart des consommateurs préfèreraient une alimentation bio à une non bio, le prix élevé étant le principal obstacle. Bien entendu, pratiquement tout consommateur commençant un petit potager de nos jours choisit une approche non chimique.

Du point de vue théorique

Les journaux semblent adorer publier des unes telles que « Le bio ne peut pas nourrir la planète ». Souvent, ces opinions sont exprimées par des scientifiques. Le raisonnement est à peu près celui-ci : « Nous devrons nourrir plus de personnes à l’avenir, nous devons donc produire plus. Pour produire plus, nous devons avoir une agriculture plus intensive et utiliser davantage la biotechnologie ».

Ce raisonnement est moins logique qu’il n’y parait. Devons « nous » vraiment nourrir « la planète », la planète ne doit-elle pas se nourrir elle-même ? La famine est-elle vraiment un problème de production, ou une question de conflit et de mauvais gouvernement ? L’agriculture intensive produit-elle réellement des rendements plus élevés sur le long-terme, si l’on prend en compte les effets externes ?

Nous pouvons sans problème reformuler le débat ainsi :

« A l’avenir, plus de personnes dans le monde devront être capables de se nourrir par elles-mêmes. Nous devons donc prendre grand soin de la principale source de notre alimentation : les écosystèmes vivants de la planète, surtout le sol. Il est donc nécessaire de produire biologiquement. »

Pour davantage d’éléments et d’arguments scientifiques, consultez ici.

Le fossé de générations

La vision de la génération « révolution verte » d’après-guerre s’entrechoque souvent avec la vision de la jeune génération, qui considère souvent la durabilité comme une exigence première pour tout processus de production. La génération d’après-guerre glorifie souvent la science et la technologie, alors que la jeune génération place l’écosystème et le « faire soi-même » au centre de sa pensée. On peut voir ici un choc des paradigmes. Le philosophe écolo néerlandais Matthijs Schouten parle de deux « attitudes de base » conflictuelles, qu’il qualifie ainsi : le « dirigeant » et le « participant ».

« Le dirigeant »

L’attitude de base du dirigeant est de se considérer comme le maître de la création, utilisant son intelligence pour imposer sa volonté à la nature. Cette attitude de base caractérise la génération d’après-guerre de l’Europe du nord-ouest. Parmi les ruines de la seconde guerre mondiale, toute l’attention portait sur l’augmentation de la production. La technologie et la science étaient considérées de façon optimiste comme les solutions à toute pénurie. Nature & culture furent temporairement mises de côté. Pendant cette période, les quartiers historiques des villes furent démolis pour faire place à des centres commerciaux et aux autoroutes. La campagne, dans des pays comme les Pays-Bas, fut bouleversée pour moderniser l’agriculture avec l’utilisation massive de produits agrochimiques, de carburants fossiles et de machines. Un des résultats fut un énorme essor de la production alimentaire. Les autres conséquences plus néfastes n’ont été visibles que plus tard, et le sont encore aujourd’hui.

« Le participant »

L’attitude de base du participant est de se considérer comme faisant partie intégrante de la nature, au lieu d’être en opposition avec elle. Cette attitude séduit la plupart des gens aujourd’hui, surtout la génération la plus jeune. Elle est bâtie sur l’idée que les écosystèmes sont étroitement imbriqués et que dans l’évolution de la vie, la coopération et la symbiose sont au moins aussi importantes que la « lutte pour survivre ». En science biologique, Lynn Margulis a fait de grandes avancées dans ce domaine. Dans les années 60 et 70, ces nouvelles idées ont donné une nouvelle impulsion à l’agriculture biologique (biodynamique), petit mouvement dissident né dans les années 1920. L’agriculture biologique s’est graduellement développée, et une nouvelle attitude envers la planète est née : l’idée que les humains font partie de l’écosystème, qu’ils peuvent agir pour son maintien et même son enrichissement. Cette attitude de base séduit fortement les générations les plus jeunes.

Passer du dirigeant au participant

En 1962, Rachel Carson publia le livre « Printemps silencieux », qui montre que les effets néfastes des pesticides s’étendent sur des milliers de kilomètres et très loin dans le temps. Les gens ont commencé à remarquer la baisse du nombre de papillons et de salamandres. En réaction, un appel pour la protection de la nature fut entendu : les gens ont commencé à isoler la nature en bâtissant des barrières autour. Cette « solution » illustre bien l’ancienne attitude de base : l’homme et la nature sont opposés l’un à l’autre. Dans le même temps, l’approche agrochimique s’est poursuivie tranquillement. Cette ségrégation entre domaine naturel et culturel persiste encore aujourd’hui et ses conséquences néfastes sont visibles partout. Beaucoup d’écosystèmes s’effondrent et la société occidentale est assaillie par l’obésité, les diabètes et les maladies psychiatriques. La nouvelle génération réalise cependant l’imbrication de tous les écosystèmes. Une organisation comme le Slow Food Youth Movement (Mouvement de la jeunesse pour une alimentation lente) essaye de revenir aux fondamentaux de la vie. Le monde scientifique et les entreprises sont cependant toujours dominés par la génération des « dirigeants ». Avec l’ancienne génération qui cède la place aux plus jeunes, les « participants » vont gagner du terrain.

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